Tokyo, avant une des « battues » visant à faire disparaître les campements de SDF pour une visite impériale dans le Parc d'Ueno. Un vieil homme installé sous sa bâche se souvient. Une vie de labeur, de tristesse et de toutes petites joies, une vie à travailler pour nourrir les siens, ses parents et ses frères. Une existence loin de sa famille, à des kilomètres de sa femme et de ses deux enfants, pour gagner plus d'argent, et cela sans les connaître ; les rencontrer vraiment quand il est trop tard, et les mettre en terre sans les avoir aimés. Et une immense solitude jusque dans la mort. Yu Miri (Poissons nageant contre les pierres, NB juin 2005), japonaise née de parents coréens immigrés, se glisse avec talent dans l'âme d'un vieil homme et, par petites touches poétiques, suggère l'immense détresse des Japonais qui ont vu la région de Fukushima évoluer, grandir, s'enrichir et souffrir. Les phrases courtes et efficaces, semblables aux haïkus, sont d'une douceur et d'une mélancolie intenses. L'auteur a, semble-t-il, longuement étudié les SDF, les questionnant, se mêlant à leur vie. Un récit très vivant, un portrait du Japon de l'après-guerre, un très beau roman, témoignage de héros oubliés de l'Histoire. (E.A. et B.D.) (source : les-notes.fr)